ETAT DES YEUX | Septembre 2022 | les gens qui... | Martin Laquet et Jean-Christophe Schmitt
mercredi 07 septembre 2022
Qui sont les "gens" qu'on prend en compte et en bandoulière dans l'écriture ? Qu'est-ce qu'on regarde chez eux et dont on ne peut rien faire de bien nouveau ou utile, sinon passer les anecdotes et les détails à l'oubli avec un minimum de précipitation ? L'émotion de déflagration des découvertes n'est pas toujours ce qu'on discerne d'emblée, mais des traces fabuleuses s'immiscent dans les rêves. C'est à cela qu'on reconnaît l'impact et la contagion des sentiments agréables. Beaucoup rêvé cet été, et de l'inracontable, du décousu de sensations argumentées, le plus souvent. Pléthore de maisons et de périples bizarres, de nombreux retours d'êtres chers et des amitiés perdues. Il n'y a rien d'étonnant car j'ai dormi dans le lit maternel, le changement de matelas devenu trop mou n'a pas changé la donne. J'ai rêvé à sa place et c'est un privilège. Une marée de désillusions et de mélancolie aussi, ont été accueillies avec un certain flegme. Puisque la vie nous échappe, laissons-la avec sa bride usée sur le cou et regardons l'horizon, sa ligne concrète de partage entre l'ici et l'ailleurs, le maintenant et le futur que cet Ami Martin Laquet capte si courageusement dans ses peintures figuratives sans présence humaine ou très rarement. Jean-Christophe Schmitt, autre compagnon de mémoire, s'y prend autrement, mais la démarche est proche. Il y a un va et vient entre le réel et la toile, une sorte de pacte de croyance provisoire qui contient toute la vie et la nature sans les nommer, peut-être pour ne pas avoir à leur rendre des comptes. Le regard de ces peintres est un insatiable questionnement sur la lumière entichée de ses partenaires de couleur. Ils ne sont pas de la même génération, et pourtant ils surlignent et survolent les mêmes effets, entre impressionnisme et flottement du dessin ajustés à l'espace qu'ils s'octroient.Tous les deux écrivent. Leurs tableaux s'empilent comme des livres , on les touche avec des mains calmes, la peinture n'aime pas les gestes souillons, et pourtant la violence est présente, dans cet acharnement sur le point de convergence de la trace. Peindre c'est écrire avec un pinceau, un couteau, un chiffon et parfois , le bout des doigts. Ce n'est guère le résultat qui compte, raté ou réussi selon des critères techniques empétrés de subjectivité, il se détache immédiatement de son concepteur, et c'est bien le miracle, sa gratuité également !
J'ai envie d'écrire de temps en temps sur les gens qui créent, non pour m'approprier leurs exploits, mais pour parvenir à leur parler juste et pudique, et pas uniquement à propos de leur travail. Bien sûr, j'ai le choix des miracles, et je ne peux guère les emporter chez moi. D'ailleurs, qu'en ferais-je , sinon des livres d'amitié, aussi éphémères que présomptueux. Mais oser dire qu'on aime telle ou telle démarche artistique, qu'elle nous "correspond" au sens épistolaire du verbe, me paraît envisageable. Engranger le vivant même s'il passe par une toile peinte. Ne pas le collectionner(pas les moyens) mais en choisir des morceaux , les conserver en mémoire pour les revoir avec plaisir. Ecrire...